Les religions sont-elles source de violence?

Si l’on demandait à nos contemporains quel est, dans notre monde, le principal facteur de violence, beaucoup répondraient : la religion. Nous en serions sans doute choqués, mais à y regarder de plus près, il faudrait bien leur reconnaître quelques excuses. Ils ont dans la tête à la fois l’histoire du christianisme, avec ses croisades et ses guerres de religions, et l’actualité de ces dernières années dans laquelle des chrétiens, des musulmans, des juifs ou des hindous se sont affrontés et s’affrontent aujourd’hui en bien des lieux du globe.
Souvent des hommes religieux ont construit des représentations de la divinité à travers lesquelles Dieu fait peser sa malédiction sur ses ennemis et recourt lui-même à la violence pour les punir. Et dès lors que les hommes se représentent Dieu comme un être violent qui châtie les méchants, ils auront tout loisir de justifier leur propre violence à l'encontre de leurs ennemis, en croyant que Dieu cautionne et bénit leur comportement. Ils iront même jusqu'à imaginer que Dieu leur commande le meurtre des infidèles.
Reconnaissons que, dans la Bible elle-même, la violence est présente et que certains textes de l’Ancien Testament semblent bien nous montrer un Dieu qui soutient et même ordonne des violences radicales. Ces textes ne sont pas toujours faciles à comprendre pour des chrétiens qui se veulent respectueux de toute la révélation et ils ont donné lieu à bien des interprétations. Mais tous, nous devons reconnaître qu’il y a un progrès de la révélation et que celle-ci culmine pour les chrétiens dans la personne et l’enseignement du Christ. Il est clair que le Sermon sur la montagne (Matthieu 5.7), avec l’amour de l’ennemi et la nécessaire réconciliation nous concerne plus directement que les guerres saintes que nous trouvons dans le passé. Le christianisme n’a pas toujours été à la hauteur de cet appel à la fraternité universelle que nous a lancé le Christ, des tournants qui ont permis au christianisme de traduire concrètement le lien fondamental existant dans toute religion entre respect de Dieu et respect de l’homme.
Actuellement, notamment lors de la rencontre des diverses religions à Assise, mais aussi lorsque certains croyants fanatisés tuent d’autres croyants au nom de la religion, des voies communes s’élèvent pour dénoncer ces violences. Les membres de la conférence des responsables de culte en France ont condamné avec la plus grande vigueur les attentats perpétrés à Bagdad et à Alexandrie endeuillant la communauté chrétienne. Ils ont dit que ces violences faites « au nom de Dieu » contre d’autres croyants étaient insupportables, elles ne blessaient pas seulement une religion mais l’humanité tout entière. Ils voyaient de plus en plus monter une violence dont ils récusaient l’argumentation religieuse. Ils ont ajouté que cette intolérance est déjà à l’œuvre dans notre propre société, elle se manifeste dans les dégradations de lieux de cultes et les menaces envers des croyants. En tant que responsables religieux ils ont déclaré fermement que nul ne peut se prévaloir des religions qu’ils représentent pour légitimer des violences, des ségrégations et même du mépris à l’égard d’un être humain. Ils ont encouragé les fidèles de leurs communautés à résister au repli et à la peur et sont convaincus qu’ils sauront prendre la mesure de cette responsabilité. Ils ne veulent pas que la religion soit instrumentalisée à quelque fin que ce soit. Ils désirent être artisans de paix dans notre pays et dans le monde. Hommes et femmes de bonne volonté, croyants et non-croyants, il nous faut sans cesse travailler à la réconciliation, sachant que la haine de l’autre est une maladie mortelle pour l’ensemble de la société. La fraternité est un défi que nous sommes appelés à relever, tous ensemble.
Le respect de la liberté religieuse, rarissime dans le passé, est aujourd’hui devenu assez largement partagé par les Églises chrétiennes, pour des raisons théologiques et spirituelles. On peut assez facilement constater que ce n’est pas le cas de toutes les religions et même de membres des religions chrétiennes et qu’il y a encore un long chemin à faire. Il y a toujours encore des actes inspirés par la haine et aussi par la peur, qui visent à éliminer et même à détruire d'autres êtres humains, en particulier ceux qui professent d'autres religions et que l'on juge dangereux pour sa propre religion.

Georges Heichelbech