Il est une lutte, un combat qui est inhérent à la vie
chrétienne : il nous faut lutter pour le bien et contre le mal. C’est vrai pour
toutes les personnes qui veulent vivre selon une certaine éthique. C’est
d’autant plus vrai pour les disciples du Christ.
Il est
remarquable que les évangiles soulignent que c’est « poussé par l’Esprit » que
Jésus se rend au désert pour y vivre les tentations et lutter contre Satan. Et
ce combat se vit encore au jardin des oliviers, à l’heure de l’agonie.
Un des
passages les plus intéressants en ce qui concerne cette réalité est le célèbre
combat nocturne de Jacob (Genèse chapitre 32,25-33) : «Jacob resta seul. Or,
quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. L’homme, voyant qu’il ne
pouvait rien contre lui, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob
se démit pendant ce combat. L’homme dit : « Lâche-moi, car l’aurore s’est
levée.» Jacob répondit : «Je ne te lâcherai que si tu me bénis.» L’homme
demanda : «Quel est ton nom ?» Il répondit : «Jacob» Il reprit : «Ton nom ne
sera plus Jacob, mais Israël (c’est-à-dire : Dieu lutte), parce que tu as lutté
avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emporté.» Jacob demanda : «Fais-moi
connaître ton nom, je t’en prie.» Mais il répondit : «Pourquoi me demandes-tu
mon nom ?» Et là il le bénit. Jacob appela ce lieu Penouël (c’est-à-dire : Face
de Dieu), «car, disait-il, j’ai vu Dieu face à face, et j’ai eu la vie sauve.»
Au lever du soleil, il passa le torrent à Penouël. Il resta boiteux de la
hanche. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les fils d’Israël ne mangent pas le
muscle qui est au creux de la hanche, car c’est là que Jacob avait été touché.»
Plusieurs
éléments de ce récit peuvent nous éclairer:
- C’est de nuit. Souvent les
circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à mener cette lutte sont
troubles, le discernement est difficile, et l’obscurité peut aussi être celle
de notre cœur.
- Contre qui se bat Jacob ? Contre
Dieu ? Contre son frère dont il redoute l’arrivée et la rencontre ? contre
lui-même ? Les trois niveaux sont présents dans ce récit.
- Il faut combattre jusqu’au matin.
C’est une lutte où il faut s’engager totalement et tenir. Comment ne pas
évoquer certaines situations humaines tellement difficiles où la foi et
l’espérance sont remises en cause et où il faut choisir de croire et de faire
confiance.
- L’adversaire, et si c’est Dieu,
c’est remarquable, lutta avec Jacob dans un corps à corps. (Une traduction rend
par «roula dans la poussière».) Dieu est lui aussi pleinement engagé dans ce
combat. Il peut nous permettre ainsi de nous révéler à nous-mêmes, avec tout ce
que nous sommes, avec nos forces, notre désir, et ... aussi nos peurs et nos
craintes.
- Cette épreuve, comme toute
épreuve, est transformante : Jacob garde à la fois les séquelles de cette lutte
– il en restera boiteux jusqu’à la fin de sa vie –, et devient autre : il
s’appelle désormais Israël, il a lutté avec Dieu, et donnera ainsi son nom à sa
descendance.
- Enfin, dans cette épreuve, sa
relation à son Dieu s’est aussi transformée. Ce corps à corps fait que le Dieu de
ses pères est devenu cet Autre qu’il a rencontré et avec lequel il a désormais
une expérience personnelle : il est devenu aussi son Dieu.
Ces divers
éléments peuvent nous aider à relire ce que nous-mêmes avons pu vivre.
Les
tentations de Jésus lui permettent d’affirmer de quelle manière il est vraiment
Fils de Dieu et aussi Fils de l’Homme. Saint Marc signifie la sortie de cette
épreuve par la présence des bêtes sauvages et des anges (Marc 1,13) : en Jésus,
le Règne de Dieu est instauré et la création toute entière est déjà rachetée et
réconciliée: la paix messiaque est établie.
A notre
baptême, nous avons reçu l’Esprit Saint par l’onction du Saint-Chrême qui nous
rend capables de vivre tout au long de notre vie ce combat : fort pour le bien
et armé contre le mal. La prière et la solidarité de nos frères dans la
Communion des Saints est aussi très utile en ce domaine.
Jean-Luc
JOST +