Deux notions qui ne se supportent que très mal pour le moins
si parfois elles ne s'opposent pas. Tout le monde est unanime pour reconnaître
que la guerre par son déchaînement de violence, son chapelet de maux qui suit
ne peut qu'être maudite à posteriori, car souvent par manipulation des masses,
on a fait partir les jeunes « la fleur au fusil » comme dit l'expression. Comment
se positionner dans une telle situation ? De quel côté nous trouvons-nous ?
Opportuniste,
je bascule du côté du gagnant, du plus fort. Rebelle ou progressiste, je
soutiens le plus faible. Mais avons-nous vraiment conscience qu'un progrès soit
lié aux douleurs de la guerre ? Y a-t-il une différence dans la douleur entre
vaincu et vainqueur ? Le sang qui coule dans un camp ou dans l'autre est-il
différent ? La justice est-elle du côté de l'oppresseur ou de l'oppressé ? La
Justice ? N'en avons-nous pas une idée trop subjective ? Le conflit serait
juste lorsqu'il sert nos intérêts et injuste lorsqu'il s'y oppose ? Un peu
comme certains joueurs qui accusent le partenaire de tricher lorsqu'eux-mêmes
perdent.
Je répondrai
qu'on se trompe en se référant à cette notion de justice. Je préfère faire
entrer dans le débat l'idée de légitimité. Posons la question de la légitimité.
Une guerre peut-elle être légitime ? Si oui quelles sont les bornes, les
limites de cette légitimité ? Quelle est l'instance qui détermine cette
légitimité ? Est-ce qu'il peut s'agir d'une autorité morale ou religieuse ? Les
guerres de religion, les croisades en sont une illustration, et personne, au
regard du temps écoulé, ne les légitime aujourd'hui, hormis ceux qu'anime la
mauvaise foi ou la haine. De même l'autorité politique n'est pas assez
indépendante et probe pour clairement appuyer cette légitimité. À mon avis, le
seul critère qui puisse être retenu est celui de la douleur du peuple, la
maltraitance, la spoliation clairement établie des habitants. Que pouvons-nous
apprendre des Evangiles à ce propos ? Quel enseignement Jésus a-t-il laissé ?
Il faut d'abord remarquer que la période romaine était une période d'occupation
et que les Romains n'avaient pas la réputation de tendresse avérée.
Cependant,
dans l'enseignement du Christ, nous avons beau chercher, aucun appel à la
révolte, alors que dans son entourage immédiat il y avait des zélotes,
aujourd'hui on les qualifierait d'ultras. La seule manifestation de colère de
Jésus est celle de l'épisode des marchands du Temple et je pense qu'il
s'attaque là plus au principe d'argent qu'aux personnes. Mais nous sommes
conviés comme le disciple armé du glaive la nuit de la Passion, à remettre le
glaive au fourreau, à travailler sur nous-mêmes, à chercher au fond de nos
esprits des solutions autres que la violence et la guerre. Quelles sont les
figures qui marquent le plus la mentalité humaine ? César ou Gandhi ? Napoléon
ou Mandela ? Un boucher des peuples drapé dans les plis de l'histoire et
flattant notre ego n'en reste pas moins un boucher. Répondons à cette question
toute simple, qu'est-ce qui a le plus de valeur à nos yeux : la naissance d'une
vie nouvelle ou le geste qui la tranche ? Pour un chrétien il me semble que la
réponse est claire.
Claude
HOUVER