Pacem in Terris

Il y a 50 ans, le 11 avril 1963, le pape JeanXXIII publiait l’encyclique Pacem in Terris. Rappelons qu’au cours du mois d’octobre 1962 la crise des missiles de Cuba avait conduit le monde au bord d’un troisième conflit mondial. La publication de cette encyclique, six mois après l’ouverture du Concile Vatican II marqua un tournant décisif dans la pensée de l’Église catholique sur la paix, et plus généralement sur les questions sociales. En effet, la réflexion traditionnelle de l’Église, et ce dès les premiers temps, a toujours été axée plus sur la question de la légitimité de la guerre que sur celle de la construction de la paix. Avec l’encyclique “Pacem in terris”, Jean XXIII va innover. Il n’est quasiment plus question de la guerre, mais de « la Paix entre toutes les nations ». La paix est bien plus que l’absence de guerre, et ce message ne s’adresse pas seulement aux fidèles catholiques, mais à tous les hommes de bonne volonté.  Il insiste sur trois thèmes principaux : la dignité de la personne humaine, la relation entre la personne et la société démocratique, et enfin, ce thème qui sous-tend toute l’encyclique et qui est présent dès le titre, à savoir la paix fondée sur la Vérité, la Justice, la Charité et la Liberté.

La première section de l’encyclique établit les relations entre individus, soulignant les problèmes des droits de l’Homme et des devoirs moraux. La deuxième section développe le lien entre l’individu et l’État, reposant sur l’autorité collective du dernier. La troisième établit le besoin d’égalité entre les nations et le besoin pour l’État d’être sujet aux mêmes droits et devoirs qui s’appliquent à l’individu. La dernière présente le besoin de plus grandes relations entre les nations, résultant en un ensemble d’États assistant d’autres États.

Non seulement Jean XXIII explicite les rapports entre les personnes, entre les sociétés, énonce les droits et les devoirs, mais encore il donne la règle qui doit régir tout cela, les quatre piliers de la paix : Vérité, Justice, Charité, Liberté. Il revient très souvent sur ces quatre éléments, et ils sont toujours présents ensemble. En résumé, construire la paix entre les hommes et les peuples implique : « la Vérité comme fondement des relations, la Justice comme règle, la Charité comme moteur et la Liberté comme climat. » Les quatre tiennent ensemble. Une autre façon de présenter l’articulation entre ces quatre principes est la suivante : pas de paix sans Justice, pas de Justice sans Vérité, pas de Vérité sans Charité, pas de Charité sans Liberté.

Pacem in terris est un des lieux où l’Église a rejoint les soucis de toute l’humanité, en l’occurrence un souci essentiel : celui de la paix. Elle se met en position de défenseur de chaque homme dans les grands combats du présent : indépendance du tiers monde, efforts de développement, recherche des moyens de la paix, droits de l’homme. Le pape n’hésite pas à citer la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’Onu et appelle de ses voeux l’établissement d’une autorité universelle qui puisse garantir ces droits. Dès lors, on comprend que l’audience de cette encyclique ait été considérable. Sa hauteur de vue, son ouverture à tous les hommes en a fait un texte qui a largement dépassé la communauté catholique. Sa langue simple et moderne, son ton confiant en l’avenir mais exigeant pour tous, rencontraient l’attente de beaucoup en cette étape importante vers la fin de guerre froide. Ce fut certainement, l’encyclique qui connut le plus grand retentissement et la plus grande diffusion. Cinquante ans après, elle reste toujours une boussole pour réfléchir sur les conflits qui gangrènent tant notre monde

Georges Heichelbech